« Je savais depuis mon enfance que les saints avaient des choses à cacher :

sinon pourquoi allaient-ils se confesser ?

Je savais depuis St Paul que nous ne sommes jamais tout à fait ce que nous voulons être :

il y a deux hommes en chacun de nous.

Je savais depuis Adam et Eve que les fruits les plus beaux

peuvent être mauvais et que les apparences sont trompeuses.

Je savais depuis l’évangile qu’on jugeait l’arbre à ses fruits

mais que sur le même arbre il peut y avoir des fruits magnifiques

et des fruits attaqués par les vers :

la récolte demande toujours un tri.

Je savais que l’ivraie était toujours mêlée au bon grain

et qu’il fallait attendre la moisson pour la jeter au feu.

Je ne demande pas à mon Eglise de séparer les bons et les méchants:

 il faut laisser à Dieu le soin de le faire au dernier jour.

Je n’attends pas d’elle qu’elle canonise les saints et excommunie les pécheurs.

Je n’attends pas d’elle qu’elle change sa vitrine au gré de l’opinion

ou cache dans son arrière-boutique les crimes dont elle a honte.

J’attends d’elle autre chose qu’un examen de conscience.

J’attends qu’elle ose un état des lieux.

Avoir honte ne suffit pas : il faut regarder les victimes.

Le péché que nous portons devant Dieu n’est que l’ombre du mal

que nous faisons dans la chair de nos frères. »

Texte de Jacques Noyer, évêque émérite d’Amiens


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